Mystérieuse Julie Barbenoire
Employée et amie du musicien Rossini, Julie Barbenoire la Spinolienne a laissé des souvenirs du compositeur au vieux musée de Tonnerre. Evocation, alors que l'on s'apprête à fêter les 200 ans du musicien.
Parmi les mystères qui se dissimulent dans le vieux musée de Tonnerre, il en est un particulièrement charmant : c'est celui des bandeaux romantiques de Julie Barbenoire, ancienne gouvernante d'origine spinolienne et confidente du musicien Rossini, dont on retrouve les souvenirs dans les murs du musée. Alors que l'on s'apprête à fêter le bicentenaire de la naissance de Gioachino Rossini, né le 29 février 1792 à Pesaro, en Italie, notre appareil photo s'est arrêté sur quelques souvenirs que Julie - ou l'un de ses descendants - a légués au musée. Julie Barbenoire faisait certainement partie de ces nombreuses Icaunaises « montées » à Paris pour y trouver un emploi dans les maisons. Sur l'une des photos de Julie - très jolie, Julie - offertes par Rossini le 1er janvier 1863, on lit cette émouvante dédicace : « Offert à ma Julie Barbenoire, à celle qui doit me fermer les yeux ». Rossini devait décéder en 1868, terrassé par une pneumonie, à son chalet de Passy. C'est sans doute là que travaillait Julie…
Un mystère qui s'ajoute à celui de Rossini
Pourquoi et comment les souvenirs de Rossini: une superbe pendule, un salon, des photos et gravures dédicacées, un médaillon créé à son effigie en 1865, sont-ils arrivés au musée de Tonnerre ? Un de nos lecteurs, peut-être, pourra apporter quelques précisions à ce sujet. Ce qui est sûr, c'est que Julie Barbenoire était d'Epineuil, et qu'elle a accompagné Rossini à la fin de sa vie. Ce mystère s'ajoute aux questions que pose la carrière même de l'auteur du « Barbier de Séville ». Celui qui fit d'abord carrière à Bologne et Venise a connu la « Tancréde » qui met les Vénitiens dans un délire d'admiration, puis « L'italiano in Algieri », et part pour Naples. C'est à Rome pourtant qu'en 1816 il compose « Le Barbier », alors qu'il n'a que 24 ans. Le couronnement de sa carrière italienne vient avec « Semiramide », à Venise, vers 1820. Puis, après 13 ans de carrière italienne, vient une première coupure : Rossini part pour Londres puis Paris. A Paris, à partir de 1821, alors que Rossini a 29 ans, commencent de nouvelles heures de gloire. Gioachino Rossini prend la direction du théâtre italien. Il fait jouer « La dame du lac », puis compose un opéra pour Charles X, son protecteur. A cette époque, il pense déjà à la composition de « Guillaume Tell », sa pièce maitresse, qui sera créée en août 29 à l'opéra, avec ovation. Il part se reposer à Bologne, à 37 ans; il a réussi une révolution musicale, mais c'est aussi son chant du cygne. En butte à des difficultés conjugales et aux mondanités qui le fatiguent, Rossini se retire un an. En fait il s'écroulera avec le régime de la Restauration.
Une deuxième vie
Lorsque Rossini revient un an après, Charles X n'est plus là. Louis-Philippe n'est pas le protecteur idéal: la direction de l'opéra est rendue au privé et l'on n'y joue plus les œuvres de Rossini. Le public parisien est acquis au musicien Meyerbeer. Pendant près de six ans, Rossini ménera une vie extravagante, logeant dans les mansardes du théâtre italien et se battant pour sa pension civile. Lorsqu'il obtient gain de cause, en 1836, il repart à nouveau pour Bologne. Rien ne le retient plus à Paris. A partir de là Rossini, qui prend la direction honoraire du lycée musical de Bologne, change de vie. Avec une deuxième épouse, des vieux jours assurés, il ne songe peut-être plus à créer. Un peu plus tard, après Bologne et Florence, il retourne à Paris. Décédé en 1868 (Julie lui a-t-elle fermé les yeux ?), il est enterré au cimetière de Passy, d'où ses cendres ont été transportées à Florence en 1887.
N.-J. E.
Extrait du journal « L'Yonne Républicaine » du 7 et 8 février 1992